Deuxième femme [roman]

Caroline POCHON nous livre ici son premier roman, sous la forme d’un journal intime elle présente Hortense, 25ans, qui fuit sa vie française pour se rendre en Afrique.
 

Hortense est fragile, Hortense a été internée, Hortense est suivie, sa maman attache une grande importance à ses rendez-vous avec le psychiatre. 

Seydou est le poète de Keur Massar, c’est un griot, c’est un ancien acteur, c’est un scénariste, quelqu’un qui a connu l’opulence en France. Il est cultivé et cite Rimbaud. Il est retourné à la vie traditionnelle sénégalaise. Il est amer, cela date de la plus tendre enfance. Il explique que sa mère donnait le sein à Constance (une blanche) lorsqu’il était petit et n’avait donc plus de lait pour lui. Ce manque de reconnaissance, cette frustration est récurrente dans le livre tant au niveau professionnel que personnel.

Ces deux personnes se rencontrent au Festival de cinéma d'Ouagadougou et tombent amoureux. Hortense décide de le suivre dans son village natal et de ne pas rentrer en France.

Elle arrive donc dans la maison vétuste de Seydou où plusieurs générations vivent ensemble. La femme est sur représentée, les deux personnages décisionnaires sont  la mère de Seydou et sa première femme : Awa. Elle attend leur deuxième enfant.
Jalousie, doute, amour, peur, regret, crainte, joie vont s’entremêler sous ce toit.
Les femmes sénégalaises sont d’une rare violence envers la seconde épouse, elles sont solidaires entre elles, une blanche vole « leur homme ». Le climat de violence est latent.

Hortense doit donc se protéger d’elle-même (elle n’a plus de Xanax), de ses femmes, trouver sa place de seconde épouse (deux jours-deux jours).

Le rapport au temps est très particulier, le roman retrace tout d'abord deux mois et demi de vie africaine, laps de temps très court durant lequel la rencontre, l'arrivée au village, la conversion et le mariage se sont succédés.

La deuxième partie du roman présente le désamour, l'éloignement d'Hortense, son retour en France, ses rêves, ses désillusions.

J’ai cherché des excuses à Hortense, pour essayer de comprendre.
Elle fait preuve de lucidité, les Sénégalaises n’ont pas le choix, elles doivent supporter la coépouse, mais une femme blanche, occidentalisée, française, élevée dans la tradition chrétienne, athée. A-t-elle accepté tout cela pour s’affranchir de la France ? de ses parents ? des ses déceptions répétées à Caen ?

J’ai eu beau lire et relire les passages où l’auteur expose ses motivations, son amour, je n’étais pas convaincue. Et si Hortense avait accepté d’être la seconde femme, non pas par amour, mais par auto-destruction? Elle est conflit avec son père, elle sort d'une rupture difficile.

C’est un roman d’auto-fiction. 
Certains passages pourraient alimenter des travaux de recherche ethnologique. 
Caroline POCHON nous fait voyager autrement entre le village, Dakar et l’ile de Gorée lieu de troc pour les touristes. Elle nous présente les tenues traditionnelles, elle confronte le riz-poisson aux pâtes bolognaises.
J’aurais aimé connaître davantage certaines personnes comme Khady, la nièce de Seydou de 11ans.
J'ai regretté qu'elle ne détaille pas plus les rapports charnels entre les femmes africaines, elle laisse penser qu'au sein du village beaucoup sont bisexuelles. 
Le style est parfois maladroit sans pour autant affecter le roman.
 
Un roman qui touche, qui dérange et qui pose la question de la double culture, ses conséquences, du Nord, du Sud, des règles occidentales face à la culture sénégalaise.

Deuxième femme
Caroline POCHON
Editeur : BUCHET CHASTEL
Collection : LITT FRANCAISE
ISBN-10: 2283026377

J'ai pu découvrir ce livre grâce à l'opération Masse Critique de Babelio.
Je remercie le site ainsi que les Editions BUCHET CHASTEL de m'avoir permis de lire ce roman.

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Pour informations:
L'article 133 du Code de la famille du Sénégal dispose que le mariage peut être conclu :

  • soit sous le régime de la polygamie (quatre épouses maximum)
  • soit sous le régime de la limitation de la polygamie (deux ou trois épouses)
  • soit sous le régime de la monogamie.

L'article 113 dispose : "L'homme ne peut contracter un nouveau mariage s'il a un nombre d'épouses supérieur à celui autorisé par la loi, compte tenu des options de monogamie ou de limitation de polygamie souscrites par lui."

Selon l'article 116, c'est l'officier d'état civil qui recueille l'option de monogamie ou de limitation de polygamie.



Caroline POCHON



Catherine POCHON parle du regard occidental sur la polygamie lors d'une interview pour la chaine teva.


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